Rétrogaming, est-ce que le jeu vidéo était mieux avant ?

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Sat Dec 27 2025

Rétrogaming, est-ce que le jeu vidéo était mieux avant ?

Qu'est-ce qui peut expliquer cette sensation, celle où nous avons les yeux qui s'écarquillent quand nous voyons une intro que nous n'avions pas vue depuis des années, ce son que nous avions oublié mais qui en réalité n'avait jamais quitté notre cerveau. Qu'est-ce qui explique que 15, 20, 30 ans plus tard, manette en main nous n'ayons rien perdu de notre skill d'un jeu que nous n'avions plus touché depuis tant d'années.

Notre nostalgie altère-t-elle les souvenirs que nous avons du jeu vidéo ? Était-ce mieux avant ? Sommes-nous devenus des boomers du jeu vidéo ? Pas de suspens, non, ce n'était pas mieux avant, c'était différent, et peut-être que notre rôle, en tant que nostalgiques est tout simplement de transmettre quelques valeurs que notre passion nous a enseignées durant ces années pixélisées.

La qualité, une composante inéluctable

Commençons par la question qui les gouverne toutes : est-ce que les jeux vidéo étaient mieux avant ? Désolé de vous décevoir mais il n'y a pas de réponse exacte à cela et il serait criminel de dire que les jeux d'aujourd'hui ne sont pas excellents. Red Dead Redemption 2, la série God of War, les Uncharted, Clair Obscur, sont autant de chefs-d'œuvre qui n'ont pas à rougir de ce titre, que ce soit la musique, les graphismes, les scénarios, les doublages, les DA. Quand vous sortez "sonnés" d'un jeu, c'est qu'il est bien qualifiable d'œuvre d'art.

En revanche, et n'ayons pas peur de le dire, les jeux de notre enfance sortaient finis. Pas de patch day-one, pas de promesse de correctifs futurs. Les développeurs n'avaient qu'une seule chance de livrer leur vision, gravée dans le plastique d'une cartouche ou la surface d'un CD. Cette pression créait une exigence de qualité extraordinaire. Chaque jeu était une œuvre achevée, testée, polie jusqu'à briller.

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Aujourd'hui, la possibilité de corriger après coup a parfois dilué cette rigueur. Les jeux modernes sont magnifiques, certes, mais ils sont encore trop nombreux à sortir en version 0.5.

Nous avons aujourd'hui trop de fins de développement capricieuses ou bâclées, pour sortir un jeu à la date attendue par les producteurs, sous prétexte de la possibilité de les patcher dans la foulée, et parfois trop tard. Mais est-ce respecter son public que de sortir des jeux qui ne sont pas finis... ?

Quelques excellents jeux ont mis leur studio en danger à cause de cela, nous ne citerons que Cyberpunk ou No Man's Sky… pourtant aujourd'hui très bons.

Attention, et vous avez dû en tester avec Recalbox, certains jeux rétro sont absolument horribles, moches, avec un gameplay mal né. Prenons l'exemple le plus connu de tous : E.T. the Extra-Terrestrial (Atari 2600, 1982)... rien n'allait, et qui plus est, Atari a fait un coup de maître : ils ont produit plus de cartouches que de consoles vendues…

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Enfin pour terminer sur ce sujet, ne nous voilons pas la face : oui, notre regard d'enfant altère nos souvenirs. Qui n'a jamais lancé un jeu, trépignant d'impatience de retoucher à cette perle de son enfance pour finir sur un : "Ah… c'est pas le souvenir que j'en avais".

L'apprentissage par l'échec, et l'acceptation de la frustration

Nous ne vous apprenons rien quand nous vous disons que les jeux étaient soumis à de fortes contraintes techniques, et notamment une : la place ! Dites-vous que n'importe quelle image de la jaquette de Super Mario Bros que vous trouverez sur le net est plus lourde que le jeu lui-même : 40Ko (Super Mario World sur SNES faisait 512Ko, le grand luxe !).

Cette contrainte a poussé les développeurs à trouver des subterfuges aussi habiles les uns que les autres pour gagner de la place à gauche à droite, mais l'astuce la plus utilisée est toute bête : pour qu'un jeu soit long et que nous ayons pour notre argent, il fallait qu'il soit difficile !

Les jeux d'antan étaient impitoyables. Pas par sadisme, mais par nécessité : les limitations techniques ne permettaient pas de créer des aventures de 100 heures, alors on compensait par la difficulté. Trois vies, pas de sauvegarde, et Game Over. Ce niveau d'exigence nous enseignait quelque chose de fondamental : persévérer, échouer, apprendre, recommencer.

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Chaque victoire était une conquête authentique, méritée par la sueur et les heures d'entraînement. Aujourd'hui, les jeux nous guident, nous rassurent, nous évitent la frustration. C'est plus accessible, plus doux, mais avons-nous perdu en chemin cette fierté brute de vraiment réussir ?

On dit souvent que nous ne disons plus "non" à nos enfants aujourd'hui. Le jeu vidéo en serait-il là également ?

Pourquoi jouons-nous ? Les pièges d'aujourd'hui

Pourquoi allumions-nous notre console à l'époque ? Posez-vous la question… La réponse était simple : pour jouer. Pour prendre du plaisir, pour tenter de finir ce niveau, pour partager un moment avec un copain, un grand frère ou une petite sœur.

Pourquoi jouons-nous aujourd'hui, ou pourquoi nos enfants allument-ils leur console ?

Les jeux modernes ont inventé de nouvelles addictions. Les battle pass, les saisons, les défis quotidiens qui nous rappellent de nous connecter, encore et encore. Ce n'est plus le plaisir pur de jouer qui guide nos sessions, mais souvent la peur de manquer quelque chose. La compétition a remplacé le plaisir chez beaucoup de joueurs, transformant le loisir en performance, le divertissement en obligation. Les jeux sont devenus des services, magnifiques mais chronophages, généreux mais calculés pour nous retenir.

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Prenez quelques exemples autour de vous : combien d'enfants de votre entourage ont terminé un jeu ?

Cela est également dû à la profusion de titres à notre disposition aujourd'hui. Un jeu ne nous plaît pas, nous pouvons switcher et découvrir de nouveaux titres et trop vite oublier notre acquisition d'il y a quelques jours.

Avant quand vous aviez un jeu, vous le "ponciez", car vous saviez que votre prochain jeu serait le vôtre dans plusieurs mois, il fallait en profiter, le savourer. Et si aujourd'hui vous retrouvez votre skill de l'époque, c'est parce que ce jeu vous le connaissez par cœur. Aujourd'hui cette expérience est devenue rare.

La profusion de titres à notre disposition est indécente, et elle est improductive en termes de plaisir. Game Pass, PlayStation +, Steam et plus largement Netflix, Disney +... tout est à notre disposition immédiatement, dans une quantité absolument ridicule. Imaginez : de nombreux joueurs l'avouent (et c'est peut-être votre cas, nous ne vous jetons pas la pierre !), beaucoup achètent des jeux, et n'y joueront jamais.

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Imaginez l'absurdité de la profusion de contenus que nous avons, en jeux, en séries, en films, en scrolling, et pour autant nous ne sommes jamais satisfaits de ce que nous avons, nous en voulons toujours plus. Le marketing a eu raison de nous, et jamais, ô grand jamais, nous n'avons autant joué les yeux dans le vide, avec cette sensation profonde, de ne jamais en avoir assez, alors que nous en avions beaucoup moins avant.

On ne scrollait pas pendant des heures dans une bibliothèque de 500 titres sans savoir lequel choisir. On avait nos jeux, ceux qu'on connaissait par cœur, dont on explorait chaque recoin, chaque secret. Cette rareté créait quelque chose de précieux : le temps. Le temps de s'immerger vraiment, de maîtriser, d'aimer. Aujourd'hui, l'abondance nous offre tout, tout de suite, mais paradoxalement, trop de choix tue le choix. On papillonne, on télécharge, on abandonne. Cette immédiateté a peut-être volé quelque chose d'essentiel : la capacité d'attendre, et donc de savourer.

Jouer en ligne ou jouer ensemble ?

Il y avait ce rituel sacré : s'entasser à quatre sur un canapé, l'écran splitté en quatre minuscules fenêtres, les fils des manettes emmêlées, les regards qui trichent vers l'écran du voisin. Les cris, les rires, les épaules qui se bousculent. Le multijoueur était physique, charnel, réel.

Se souvenir de cette excitation pure : enfourcher son vélo et pédaler jusqu'à chez un copain, juste pour jouer à son jeu, celui qu'on n'avait pas. Cette console différente, cet univers qu'on ne connaissait que par les magazines. Le bonheur tenait dans ces moments simples, ces après-midis passés ensemble devant un écran cathodique.

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Aujourd'hui, nos enfants jouent ensemble sans jamais se voir, connectés mais séparés, chacun dans sa chambre, un casque sur les oreilles. Ils n'ont jamais été aussi capables de communiquer, et pourtant, ils ne se sont jamais aussi peu rencontrés. Le paradoxe de notre époque numérique.

Encore une fois mesurons nos propos : les jeux multis d'aujourd'hui sont absolument dantesques (on oublie les pass de combat). Nous avons tous des copains numériques, on ne connaît pas leur visage, nous nous sommes croisés au détour d'une game et depuis nous ne nous quittons plus, passant plus de temps à refaire le monde qu'à faire des kills. Ces amitiés virtuelles sont réelles, profondes même. Elles créent des liens authentiques, des moments partagés, des souvenirs communs. Ce n'est pas moins bien qu'avant, c'est différent, mais tout aussi précieux à sa manière.

Idem, ce serait cracher dans la soupe que de ne pas reconnaître la qualité de certains jeux multis, que ce soit par leurs graphismes ou par leurs mécanismes de jeu. Encore une fois ce n'est pas moins bien, c'est différent.

Nous avons grandi en même temps que notre passion

Ce qui rend notre génération unique, c'est que nous avons connu les fondations modestes d'un gratte-ciel qui touche les cieux. Nous sommes la passerelle, celle qui n'a pas connu le jeu en ligne, les pass, les DLC dans notre enfance. Nous sommes la génération qui avons grandi avec cette évolution dans le monde du jeu vidéo.

Nous avons connu les cartouches qu'il fallait souffler pour les faire fonctionner, les CD rayés non reconnus, les livres de cheat codes griffonnés à la main, les magazines gaming qui étaient notre Bible mensuelle. Nous avons grandi avec l'évolution, traversé la révolution numérique en temps réel. Et puis, progressivement, tout est devenu plus rapide, plus connecté, plus complexe aussi. Nous sommes les témoins d'un avant et d'un après.

Cette nostalgie qui nous étreint parfois, elle n'est pas triste. C'est une mélancolie lumineuse, celle de la simplicité. Peut-être que nous ressentons ce sentiment parce que tout est devenu plus difficile à fuir, plus rapide, plus exigeant. Le monde moderne nous sollicite sans cesse, nous bombarde de notifications, de contenus, de possibilités infinies. Alors oui, nous nous souvenons avec tendresse de cette époque où tout était plus lent, plus tangible, plus vrai d'une certaine manière.

title Photo Michaël Desprez

Et notre mission c'est de transmettre. Pas de dire que c'était mieux avant – mais de préserver cette essence, cette simplicité dans le plaisir de jouer. Apprendre aux nouvelles générations qu'on peut profiter d'un jeu sans craindre de rater une saison, qu'on peut perdre cent fois et que c'est normal, que le meilleur multijoueur se vit parfois sur un canapé partagé. Les jeux d'aujourd'hui sont extraordinaires, plus beaux, plus riches, plus ambitieux que jamais. Mais ils gagneraient peut-être à retrouver un peu de cette philosophie d'antan : moins, mais mieux. Plus lent, mais plus profond. Plus simple, mais plus vrai.

Parce qu'au fond, jouer n'a jamais été une question de nombre pixels ou de polygones. C'était, c'est, et ce sera toujours une question de moments partagés.

Cet article est un édito, il représente un point de vue personnel et n’engage que son rédacteur.

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